L’envie d’avoir envie

Ecrire ou ne pas écrire ? Là est la question !

Sur une feuillle blanche, se penche un crayon. Il a déjà bien vécu, sa mine n’a de mine qu’une pointe ronde à l’allure grossière et sa gomme
n’est plus que l’ombre d’elle-même. Qui donc l’a ainsi mordillée ?

Ecrire, qu’écrire ? Là est la question !

Sur la feuille blanche, une main tient le crayon. Elle a déjà tant vécu, sa mine est défaite et son imagination n’est plus ce qu’elle était.
Qui donc l’a ainsi perturbée ?

Suis-je ce crayon ou cette main ?

Au clair de la lune, mon ami Pierrot, je vais bien écrire un mot que je sois main ou crayon : il me reste mon
autre main pour saisir le taille-crayon et puis n’ai-je pas mille autres trésors dans mon plumier rangé depuis tant d’années sur le coin de la table ?
Il n’a pas changé, juste un peu déformé par le temps. Le taille s’y trouve encore et sous un gros marqueur rouge un peu séché,
je découvre une gomme toute neuve. Alors, je l’écris ce mot ?

Ecrire ou ne pas écrire? Là n’est plus la question !
Soudain avec une avidité inattendue, la main serre fortement le crayon et ensemble ils tracent
sans plus attendre quatre mots magiques sur la feuille blanche : Il était une fois…

Retour peu attendu

Il est arrivé sans même que je m’en rende compte. Sur la pointe des pieds. Il m’avait bien semblé sentir son odeur mais je me disais qu’il était trop tôt pour qu’il
revienne. Il est revenu en laissant quelques traces de son passage. Il n’est pas resté. Il est passé et m’a laissé l’assurance qu’il allait revenir. Il est comme ça,
timide puis avec le temps, il s’affirme, ses traces devenant des marques, des empreintes indélébiles qui mettent des mois à disparaître.

Ne cherchez pas à le retenir.
Ne tentez pas de le chasser. Il va et vient comme il l’entend, sans crier gare, sans violence, avec juste une pointe de fermeté.

Il est beau gosse. Il est sauvage et capricieux. Il aime la liberté, le calme et le chaos en même temps. Il est artiste quand il utilise sa palette de peintures
pour vous offrir son plus beau tableau. Il est fort, avec un rien nostalgique. Il est tonique, avec un tout anarchique.

Il est passé chez moi,
incognito et de nuit : les matins s’en souviennent mieux que les soirs. Il semble désormais sur le point de s’installer, il est prêt, à l’affût d’un signe,
d’un geste, d’une date anniversaire
car il aime la ponctualité même si parfois il est en avance ou en retard.

Il est arrivé sans même que je m’en rende compte. Sur la pointe des pieds.
J’ouvre ma porte, je respire à pleins poumons :
l’automne est de retour, qu’on se le dise !

Le papillon et l’enfant

L’enfant contemplait le papillon. Son regard le caressait tandis que l’insecte survolait la nature du printemps. Le petit garçon n’avait jamais pris la peine de le regarder ainsi et on aurait dit que l’animal, sentant son admiration, dansait une danse des fleurs rien que pour lui : une marguerite par-ci, un bouton d’or par-là et les deux nouveaux amis s’en donnaient à cœur joie.

Survint alors un gros bourdon qui, de son air bougon, toisa le petit papillon et fit mine d’attaquer le petit garçon. Va-t-en sale bête !, hurla l’enfant effrayé mais l’insecte peu sympathique fit le tour de sa tête en prenant bien soin de bourdonner au creux de ses oreilles, des mots que seuls les insectes piquants peuvent comprendre. Sous la menace, le petit garçon se mit à pleurer si fort que le papillon en sentit son cœur se briser. Va-t-en vilaine créature !, vociféra le copain de l’enfant mais en vain car cela eut pour effet d’augmenter son agressivité, si bien qu’il fonça la tête la première vers son rival volant.

Le choc fut violent et le bourdon, après un virage à gauche, s’envola vers l’horizon où il disparut rapidement. Nos deux amis restèrent quelques instants dans le doute d’un retour possible mais le calme était revenu. Alors, le papillon redressa ses ailes pliées, le petit garçon sécha ses larmes et tandis que l’un survolait à nouveau la nature du printemps, l’autre le contempla, le sourire aux lèvres.

Cette histoire n’est pas possible, me direz-vous : jamais on n’a vu un papillon tenir tête à un bourdon, résister à un tel choc d’attaque et enfin lisser ses ailes pliées comme s’il ne c’était rien passé. Ah bon ? Ce n’est pas possible, ça ? Mais, vous répliquerai-je, dans le monde imaginaire tout est possible ! La preuve, le petit papillon vient de se poser sur mon clavier et le petit garçon m’appelle, au fond du jardin…

Le petit bonhomme jaune

Il était une planète bleue où vivait un petit bonhomme jaune. Amoureux du soleil, il se baladait gaiement dans la campagne.

En ce temps-là, la campagne était terne et cela attristait le petit bonhomme jaune. La campagne était son amie et il aurait tant aimé la voir heureuse
sous ses pas.

Un matin, alors qu’il traversait une vallée sans tons, il se mit à courir. Il courut loin, loin, loin, jusqu’à la ligne d’horizon.
Là, il gonfla ses poumons et il se mit à souffler, souffler, tant qu’il put. Dans un premier temps, il ne se passa rien puis, son souffle coula
tel un ruisseau dans la vallée grise qui, petit à petit, se colora de la brume jaune qui jaillissait de ses poumons.

Du jaune en quantité se déversait de ses lèvres en une multitude d’éclabousures qui, au contact du sol bleu, rebondissaient en des milliers de gouttelettes jaunes se teintant de vert,
pour finalement ne plus former qu’une immensité verte.

Le petit bonhomme jaune s’essuya la bouche, le nez et des larmes de joies tombèrent sur ce tapis
vert qui, imposant, se déroulait devant lui, . Pris de panique, le petit bonhomme crut avoir tout gâché mais très vite, il réalisa que
sa création était parfaite : il venait de peindre la plus jolie vallée verdoyante où brillaient ça et là de merveilleux boutons d’or.

Le doute de l’indécision

Si j’avais dit oui, je l’aurais eu. Si j’avais dit non, je ne l’aurais pas fait. J’ai dit peut-être et tout s’est envolé.

Si j’avais dit non, je ne l’aurais pas eu. Si j’avais dit oui, je l’aurais fait. J’ai dit peut-être et rien n’est arrivé.

Alors, j’ai peut-être murmuré oui mais je n’ai pas été entendue puis, j’ai finalement prononcé non en hochant de la tête… Imaginez mon interlocuteur
qui, sans un oui, sans un non, mais avec un oui qui voulait dire non est sorti de la pièce en me disant : à une autre fois, peut-être…

L’attente chez le médecin

Deux heures d’attente chez le médecin. Pas question de saisir un de ces magazines infectés ! Que faire alors ?

J’ai oublié mon GSM à la maison. Incroyable, il me suit partout.
Deux heures d’attente sans pouvoir rien faire. C’est long !

J’observe.
C’est fou ce que les gens ont peur de se regarder : le regard fuyant des salles d’attente… Bizarre !

Sept personnes avant moi. Tous des hommes. Ils n’ont pas laissé de siège vide entre eux. Secrètement, j’espère que certains sont ensemble. Le petit jeune là, il
ressemble fort au monsieur plus âgé, à ses côtés… Peut-être son grand-père ? Cela me ferait gagner une place !

Encore un homme qui entre… Ils n’ont pas honte : tous jouent avec leur GSM qu’ils n’ont pas oublié chez eux, eux !
Je sens que quelqu’un va m’appeler… En plus, je voulais vider ma mémoire, c’est toujours dans la salle d’attente du médecin que je fais ça.
Ah, voilà une vieille dame. Elle choisit un magazine. Ils sont donc trois à lire : deux, un bouquin perso et puis cette dame, un magazine infecté.

Le jeune homme va aux toilettes. Quelle horreur, en voilà encore un de nid à microbes ! Il ne se lave même pas les mains en sortant. Le monde est fou…
Allez, ça diminue : plus que deux personnes avant moi. Finalement, il y avait deux paires. Pfff, que c’est long !

Je pense à ne plus penser tellement l’ambiance silencieuse m’accable. Il fait chaud. J’avais un livre à terminer moi aussi. Pas pris…
C’est vrai ça, il est presque 17h… L’horodateur ! Je n’ai pas mis assez de monnaie, l’angoisse me gagne : si la fliquette passe, suis foutue, elle m’a déjà eue deux fois.
On se calme, elle a autre chose à faire en cette fin de journée. Quelle barbe, tous ces bips de GSM !
Tiens, la dame en face de moi a une filante à son bas… Ce n’est pas vrai, voilà que son sac sonne aussi. A son âge ? Elle parle à sa fille que j’entends comme si j’avais l’oreille collée
à l’appareil. Pourquoi crie-t-on si fort dans les GSM ? Elle sera en retard pour le souper. Moi aussi ! Bizarre, elle parle en français mais quand son
interlocutrice lui demande combien de personnes sont encore avant elle, elle répond : cinque !

La voilà qui chipote dans son sac. Elle fouille.
Elle a faim car elle en retire un speculoos qu’elle débale bruyament avant de le grignoter sans complexe. Et crac et crac et crac ! Ce bruit m’énerve…
Je n’entends plus que lui et le bruit de pages que mon voisin de droite tourne violemment. Peut-être pour couvrir le bruit Lotus grignoté.
Ouf, c’est fini mais la voilà qui replonge avec détermination dans son énorme sac. L’air satisfait, elle en retire un second engin de torture. Et recroque !

Je me demande si la plume de mon stylo qui gratte ses mots sur du mauvais papier les dérange.
Je l’espère secrètement et je me mets volontairement à écrire plus vite, d’une pression plus forte. Bien fait !
La porte du cabinet médical s’ouvre : bientôt mon tour… Ils seront trois après moi : 7 + 3 = 10, plus les patients que je n’ai
pas vus, à la première heure de consultation… Du travail à la chaîne. Quel drôle de système que ces malades qui se suivent à la queue leu leu.

Allez, suis en bout de queue ou presque, suis la malade suivante, l’angine rouge ou peut-etre la blanche, on verra. Je range mon carnet et mon stylo. La porte
s’ouvre : l’au revoir au monsieur, le bonjour à la dame, et je suis avec le médecin. Enfin !

Où étais-je donc ?

Le silence était tellement fort qu’il en devenait un bruit. Un drôle de bruit comme un écoulement. L’obscurité était tellement forte, qu’elle en devenait parsemée de
points colorés. Des points aux formes changeantes comme des étoiles. L’odeur était si forte, l’humidité si humide que l’on se serait cru dans une grotte.
Où étais-je donc ?

Le silence devint bruit, l’obscurité s’illumina, l’odeur disparut et l’humidité devint glaciale.
Plus de grotte mais une grande solitude dans un univers hostile et pourtant si aimable. Ou aimant, c’est selon. Où étais-je donc ?

Certains diront : dans un rêve, à coup sûr. D’autres plus timides : au bord d’une falaise, peut-être….
A moins qu’il ne s’agisse du récit d’un accidenté, il parait qu’en cas de coma… ou d’une noyade, pourquoi pas ? Alors, où étais-je donc ?

Mes oreilles me firent mal à cause du frottement, mes yeux brulèrent à cause de la luminosité, on me coinça le nez, on me tordit le cou, on me secoua de tout mon
être et on me ficella d’une douceur inconnue. Où étais-je donc ?

En vie, tout simplement… J’aime imaginer ainsi ma naissance puisque la mémoire ne m’autorise pas à m’en souvenir.

L’imaginaire perdu et retrouvé

Un mot m’inspira une phrase puis tous les mots se donnèrent la main et m’entrainèrent dans de belles aventures.
Ensuite, il n’y eut plus de mots, plus de chaîne et encore moins d’aventure.

La spirale de la vie m’aspira dans l’oral et l’écrit s’envola laissant choir les phrases sur le tapis de mon existence. A regret.

Je viens de trébucher sur l’une de ces phrases. Je l’ai ramassée et elle m’a souri. Ne riez pas, une phrase peut sourire, dans le monde de l’imaginaire !
Le monde de l’imaginaire ? Voilà le mot qui me manquait, le mot ayant laché les autres, rompant de la sorte la chaîne de mes phrases créatrices de mes belles aventures.

Alors, l’imaginaire sous le bras, je m’en vais dès ce soir au gré des mots ! A bientôt…

Le temps et rien d’autre…

Un beau matin, j’ai rencontré le temps sur la route de la vie. Il m’a dit de le suivre, sans jamais me retourner.
C’est ce que j’ai fait mais après quelques mètres, j’ai cherché à le rattraper pour lui demander de m’expliquer pourquoi je devais marcher toujours droit
devant et il a accéléré le pas. J’ai alors tenté de l’arrêter mais là non plus, je n’y suis pas parvenue.

Le temps filait, sautait les obstacles, toujours plus vite,
toujours plus rapide, tandis que je le suivais essoufflée, sans pouvoir rien savoir.
Sur le bord de la route, il y avait des tas de gens qui avaient réussi à arrêter le temps : ils étaient blèmes, le regard fixe.
Alors, j’ai continué à lui ai emboîter le pas, sans perdre une seconde, sans chercher à comprendre. Nous sautions presqu’ensemble les obstacles sur un chemin qui me paraissait désormais
si facile.

Soudain, le temps s’est retourné, il m’a souri et a ralenti l’allure. J’ai freiné moi aussi avant de jeter un regard en arrière. Puis, j’ai repris
la route sans me presser et sans plus me poser de questions, le laissant me devancer vraiment.